Nous savions tous que la route que j’avais décidé de prendre était dangereuse mais je devais assouvir la curiosité d’Hama’ar. Il avait senti quelque chose provenant du Nord-Est et je pris la décision de partir voir ce qui le rendait si nerveux. Thranduil m’avait fait encadrer par l’une de ses patrouille jusqu’à la sortie de son territoire. Il m’aurait sans doute fait accompagner plus loin encore, mais je préférais qu’il puisse disposer de tous ses guerriers en cas d’attaque. Très vite la forêt laissa place aux plaines désertiques, le grand cerf me mena alors jusqu’à Ered Mithrin, mais notre route ne s’arrêta pas là. Les montagnes grises avait longtemps subit les assauts des orcs, des gobelins et même des dragons avant que les nains ne décident finalement d’abandonner leur territoire. J’avais de la peine pour ce peuple en exil, il me faisait penser aux elfes… ils me faisaient penser, à moi.
Certes les dragons étaient les premiers à peupler les montagnes grises et ses environs, mais bon… il n’y en avait plus depuis longtemps n’est-ce pas ?
Je devrais pourtant le savoir depuis le temps, il ne faut jamais croire qu’un être se laisse mourir aussi facilement. Les humains n’ont-il pas à plusieurs reprises, tuer des dragons ? Les elfes avaient affronté les âges, des balrogs et pire encore. Sans compter Glorfindel qui était hors normes… Nos convictions étaient sans cesse remises en question.

Aux abord de la Brande desséchée je fis la rencontre de gobelins, ils n’avaient rien de gentilles petites créatures, ils étaient moches et sentaient le rat crevé. Ils baragouinaient quelque chose et me lancèrent une insulte à propos de mon orifice de sorti. Hama’ar n’était pas de très bonne humeur et leur fonça dessus, il en empala deux sur ses bois avant de secouer la tête pour faire tomber leur carcasse un peu plus loin. Je saisis Naezir pour décapiter les deux derniers avant de repartir. Ils étaient déjà pas bien grand, mais sans leur tête ils étaient vraiment tout à fait ridicule.
Hama’ar finit par s’arrêter, au milieu d’un sentier, pourtant je sentais que ce n’était pas notre lieu de destination de base. Il était nerveux, plus que d’habitude, ou était-ce de la peur ? Je ne voyais rien aux alentours si ce n’est les ossements d’un oliphent.

« Qu’y a-t-il Hama’ar tu es bien agité aujourd’hui. »

Je descendais de son dos, il se faisait tard et a nuit n’allait pas tarder à faire son entrée. Je dormirais ici cette nuit, mon ouïe m’alerterait en cas de mouvement, je ne risquais donc pas grand-chose. Le grand cerf s’éclipsa, parti paitre un peu plus loin, mais il ne tarderait pas à venir si je l’appelais.
J’avais posé la selle et le reste de mes affaires près d’un rocher sur lequel j’avais posé mon chaste fessier. Mais il y avait quelque chose de bizarre, la pierre bougeait, comme un tremblement de terre…

En fin de compte, flemme d'attendre qu'il n'arrive, cet Elfe. Avec de si petites jambes, il se déplaçait décidément trop lentement. Et puis de toute façon, il ne ferait pas un dîner convenable, il était tellement petit par rapport à elle que c'est à peine si elle aurait pu le mâcher ! C'était un coup à se voir taillader la trachée ou l'estomac, ça. Et pour avoir déjà testé, Angband n'avait pas envie du tout de remettre ça... C'était très désagréable. Ca l'avait aussi été pour l'Homme qu'elle avait recraché et écrabouillé ensuite. Donc non, elle n'attendrait pas de voir s'il allait arriver vers elle. A vrai dire, la Dragonne s'en fichait complètement, maintenant. C'est pourquoi elle bailla à s'en décrocher la mâchoire avant de caler soigneusement sa tête sur ses pattes avant, fermant les yeux. Une bonne nuit de sommeil, ça ne pouvait faire que du bien.

... Sauf qu'elle ne somnola que quelques dizaines de minutes à tout casser. Voilà qu'on la dérangeait alors qu'elle essayait de prendre un repos bien mérité. Enfin, bien mérité selon ses termes à elle, et je vous déconseille d'essayer de la contredire, ce n'est pas franchement bon pour la santé. Têtue, la sale bête.
Non mais... ! On venait de s'asseoir sur l'extrémité de sa queue ! C'était quoi ces manières de sauvage ?!
A la fois surprise et mécontente, la Dragonne rouvrit ses prunelles fendues et avisa immédiatement le responsable de cet affront. Un Elfe. Un Elfe qui sentait le brouteur d'herbe, de surcroît. Pour qui se prenait-il, celui-là ? Certes les Elfes ont toujours eu la légère tendance à se croire supérieurs par rapport aux autres, mais là, c'était le pompon ! ... Quoique. Passé quelques instants de réflexion rapide, Angband réalisa qu'il ignorait très certainement qu'il y avait encore des Dragons dans cette partie de la Terre du Milieu. Eh bien... Il était temps de lui ouvrir les yeux, à cet oreilles pointues !

La Dragonne redressa son cou en silence, lui donnant la forme d'un S élégant, avant de tirer sa queue pour la ramener vers elle. Dans la lumière déclinante, il n'avait pas dû apercevoir les épines qui parcouraient tout le long de son échine, et c'était une chance qu'il n'ait pas posé ses fesses dessus. Enfin, avec ses écailles couleur de cendre sombre, rien d'étonnant à ce qu'il l'ait confondue avec un rocher.

Ses iris dorés fixés sur l'Elfe, Angband attendait de voir quelle réaction serait la sienne lorsqu'il réaliserait qu'il se trouvait face au deuxième plus grand Dragon de l'histoire de ce monde. Ca promettait d'être intéressant.

Le tremblement de terre s’accentua à tel point que je me retrouvais le cul par terre. Je n’avais pas compris ce qu’il s’était passé, j’avais beau regarder autour de moi, je ne voyais rien et mis à par quelques cailloux qui roulaient à mes pieds avant de descendre la falaise, rien ne semblait bouger. Le sol trembla à deux reprises encore avant que tout ne se calme enfin.

« Qu’est-ce que… »

Je me retournais pour tomber nez à nez avec heu… c’était quoi ça ? De grandes narines, des dents pointues bien plus grandes que moi… des yeux énormes avec des pupilles qui se rétractent, une peau écailleuse… bon c’était forcément un rêve. Ou plutôt un cauchemar… Seulement je ne m’étais pas endormi. Était-ce cela qu’avait senti Hama’ar ? Comment réagir, j’avais un dragon de la taille d’une montagne en face de moi et visiblement j’avais fait tagada sur sa queue. Il n’avait pas l’air commode en tout cas, à y regarder de plus près ce dragon me faisait penser à Angband, elle avait disparu à la fin du premier âge. Je ne l’avais pas affronté directement lors de la guerre de la grande colère, mais j’avais pu constater sa puissance et les ravages qu’elle avait causé avec les autres grands dragons.

Mais la fin de Morgoth les avait fait fuir et depuis ils n’avaient agit que pour leur propre compte. Pour moi les dragons n’étaient pas mauvais à la base, même s’il était difficile de digérer les pertes qu’ils nous avaient infligé durant les guerres contre le Mal en personne. Ils n’étaient pas comme les balrogs, leurs intentions étaient difficiles à cerner, mais malgré tout il y avait du bon en eux, ou plutôt du neutre. Tout comme le loup est obliger de tuer pour se nourrir, le dragon lui aussi a ses caprices. Au premier âge je n’aurais pas hésité à l’attaquer, mais l’eau avait coulé sous les ponts et je réfléchissais un peu plus avant de me laisser au combat. Il faut dire également que je n’avais aucune envie de mourir, une lutte contre un dragon en tête à tête causerait certainement plus de mal à moi qu’à lui. Les dragons étaient plutôt capricieux, possessifs et fiers enfin du moins je les voyais comme ça. Des genre de nains avec une autre forme quoi… Je finis par m’incliner face à elle, en signe de paix et de respect.

« Vous êtes Angband n’est-ce pas ? »

Il n’y avait que peu d’erreur, je ne connaissais que deux dragons aussi gros et l’un d’eux était mort, mais que faisait-elle ici ? Y avait-il un lien avec le fait que cette terre avait été tenue par ses ancêtres il y a bien longtemps ?

« J’espère que vous avez déjà mangé »

C’était sorti tout seul, sa présence me rendait un peu nerveux, j’avais beau être un elfe sage et fort, j’étais quand même face à un dragon…